dimanche 26 juin 2011

38 - BIZARRERIES DE CURÉS

OUTRANCES ET CHARMES DU CLERGÉ

L'abbé Borel

L'abbé Borel, que des indélicats surnommaient l'abbé "Bordel", était une nature. La face rubiconde, la pogne puissante, le ventre ogresque, il avait aussi ses petites faiblesses. Il fourrait dru sa pipe, mangeait gras, cultivait haricots, patates, et même salades qu'il vantait tant à la messe. Mais surtout, il détestait les femmes.

Il ne souffrait pas le moindre décolleté, la plus petite partie de corps dénudé, la plus sobre courbe femelle. Son aversion pour la chair féminine lui fit une réputation de bougre qu'il n'était cependant point. Il était allergique aux charmes du beau sexe, voilà tout. Ce qui ne l'empêchait pas d'aller à la pêche le dimanche après la messe. Là, on le surprenait parfois à parler aux poissons, aux oiseaux, et même à sa canne à pêche.

L'abbé avait un grain, c'est évident.

Tous l'aimaient dans la paroisse, même les femmes. Certes, on faisait semblant de ne pas voir qu'il vidait une partie des quêtes dans ses larges poches. Mais on lui pardonnait ces peccadilles, tant on appréciait ses qualités particulières pour administrer la dernière onction aux plus récalcitrants des moribonds.

Il n'avait pas son pareil pour leur faire cracher des secrets jalousement scellés dans leur caboche rouillée. Il savait comme nul autre leur rendre la mémoire. Des trésors notariés remontaient à la surface, des héritiers réapparaissaient : les derniers instants du mourrant se passaient dans une relative joie familiale. Grâce à l'abbé les funérailles étaient souvent l'occasion de réjouissances dans cette contrée d'avares, de bigots, de superstitieux.

Aux enterrements de l'abbé Borel on parlait bas mais on avait les coeurs hauts. Les femmes quant à elles processionnaient vêtements hermétiquement clos pour mieux rendre hommage à l'abbé que chaque inhumation précédée d'onction fructueuse auréolait d'une gloire inextinguible.

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