dimanche 26 juin 2011

45 - HAUTEURS DE L'ÂME

PIEDS DANS LA FANGE, TÊTE AUX SOMMETS

Gloire et misère à la ferme

Dans la ferme Marie-Gilberte s'affaire autour du pot-au-feu. Sa grand-mère dans la cuisine, sénile, gît dans un fauteuil crasseux, le regard fixé sur la marmite.

Marie-Gilberte n'a pas vingt ans et rêve d'étoiles au fond de son trou. Seule la radio meuble le vide de son existence, peuplant de rêves simples son imaginaire borné par les travaux de la ferme. Justement, un chant émis par la radio, posée sur la table entre le saladier et la boite de sucres, allume soudain en elle des feux inconnus, éveille dans son coeur des sentiments magnifiques. C'est un petit chanteur à la voix céleste interprétant un chant sacré qui vient de semer chez Marie-Gilberte cette graine de paradis.

Un ange en somme à travers le poste de radio vient d'entrer dans la vie misérable de la jeune fille, libérant son âme étouffée.

Au son de la voix cristalline le pot-au-feu disparaît, la ferme n'existe plus, la grand-mère s'évanouit : Marie-Gilberte a le regard perdu dans des sommets intérieurs. Des sensations fulgurantes l'envahissent, des rêves flamboyants illuminent son visage. Le chant est de plus en plus beau, Marie-Gilberte est en pleine extase.

La vieillarde impotente pendant ce temps est prise d'une quinte de toux, le regard toujours fixé sur la marmite où mijote le pot-au-feu, parfaitement insensible au chant séraphique qui est en train de bouleverser sa petite fille, de transformer la larve en libellule, de changer la patate en rose, ouvrant son intelligence à la vie, son coeur à la joie.

Marie-Gilberte, toujours noyée dans ses nues, s'éloigne peu à peu des lourdeurs de ce monde, sourde à la pantomime catarrheuse de sa grand-mère. Cette dernière, pitoyable dans sa chaise qui exhale l'urine rance, à demi morte d'imbécillité avec son regard radoteur, en pleine décrépitude physique et mentale n'a qu'une pensée en tête : surveiller le pot-au-feu. Sa plus grande hantise pré-mortem : voir déborder le bouillon de la marmite.

La jeune fille dans ses hauteurs éthéréennes entend de moins en moins les quintes de toux qui redoublent. Les éclats de voix de la vieille femme qui lui adresse des propos inintelligibles ne lui parviennent plus.
Marie-Gilberte est exquisément déconnectée de la réalité.

Le chant sublime à la radio se termine, des publicités criardes lui succédant aussitôt.

Lorsqu'enfin Marie-Gilberte redescend de ses nuages dorés entre le bouillon du pot-au-feu qui déborde et le tic-tac horripilant de l'horloge en forme de cercueil, sa grand-mère fixe toujours la marmite, le corps sans vie.

1 commentaire:

  1. RAPHAËL ZACHARIE DE IZARRA, CET UNIVERS

    Parlant du Cosmos, des cathédrales, de la Lune, de la femme (laide, belle, vieille, méchante, chaste ou vulgaire) de l'amour (transcendant le temps, total, mystérieux, cruel, désespéré, courtois ou bestial) de l'homme (noble, étrange, déchu, inaccompli, ou royalement angélique) de la mort (comme étape du grand spectacle de la vie ou bien envisageant avec courage et romantisme son propre départ) le Verbe de Raphaël Zacharie de Izarra éclate de force, beauté et vérité

    Ses personnages sont l'humble bedeau qui maîtrise le chant divin des cloches, des vieilles oubliées par tous dont le coeur cache une ancienne tragédie d'amour, des moines, des nains, des bossus, des êtres mystérieux ou des filles simples vivant dans des fermes sans éclat, le coeur rempli d'étoiles, des radins, des vieilles filles bigotes, hypocrites et cruelles, des terroristes déshérités du destin, des mendiantes boiteuses ou bien ses propres amantes. L'humanité entière -entre l'abruti de base et l'homme qui vole, entre la rigole de la misère et les fleurs froides de l'empyrée- se retrouve fouettée et saluée par la plume de cet auteur.

    Il est en même temps la voix de ceux qu'on ne peut pas entendre, de ceux qui ne peuvent pas s'exprimer : des anges et vétérans de guerre, du Christ et de l'enfant trisomique en détresse, de la Camarde et de la jeune fille mourante

    Les articles écrits par Raphaël Zacharie de Izarra dénoncent l'imposture artistique et surtout celle littéraire, le mensonge étatique, la guerre, les clichées sociaux du travail et des vacances, le matérialisme, les habitudes alimentaires grossières, l'hystérie anti-islamique, le lavage de cerveau des masses par la télévision et la publicité. Il dénonce avec férocité toute paresse, mollesse, mensonge et ânerie. Dur comme l'acier, outrancier, cynique et plein d'humour à la fois, surprenant jusqu'à l'insupportable, son propos reste lumineux et force la pensée tout en hauteur.

    Il ne chatouille jamais dans le sens du poil, il oblige l'intelligence à grandir, là où elle existe et les nerfs à crier la où elle est absente.

    Personnage singulier de son oeuvre, l'auteur lui même se présente avec franchise, fantaisie et humour. Sous les traits du Peter Pan joyeux et cruel, du sensible Pierrot inadapté, au-delà de l'ego d'un beau Narcisse, des tics du radin, des griffes de l'Esthète féroce avec les femmes, les enfants et les chiens, du Maître des mots tendre avec les chats, entre les ailes cachées de l'ange, les tristesses du chantre des cailloux et le noble front du Prince des étoiles, à nous de trouver son vrai visage et même le nôtre si on fait le chemin de la connaissance avec bonne foi. Parce que la personnalité de Raphaël Zacharie de Izarra comprend, entre les deux Z de son nom comme entre deux ailes célestes, le carré des quatre R : la Terre royalement unie au Ciel.

    Une oeuvre comme une cathédrale où l'on doit dépasser la peur de gargouilles, entrer dans le noir pour le scintillement plurivalent des vitraux de son esprit, chanter une unique symphonie divine.

    Immense comme l'Univers, simple et sublime comme la lumière.

    Article écrit par Liliana DUMITRU

    RépondreSupprimer