lundi 27 juin 2011

85 - HÉRÉSIES

L'IGNORANCE
Le plus vil des métiers
Regardez-les avec leurs blouses blanches maculées du sang de leurs victimes, regardez-les ces bourreaux modernes, ces dépeceurs de cadavres qui se targuent de caler agréablement vos estomacs avec les fraîches dépouilles de leurs proies scientifiquement engraissées puis criminellement découpées, consciencieusement mises en parcelles, professionnellement mises en étalage avec goût, art, raffinement. Regardez-les comme ils sont vils avec leurs gros bras de tueurs, leurs muscles de forças, leurs épaisses moustaches d'ogres, leurs pognes d'assommeurs, leurs horribles instruments de charognards ! Ils sont d'autant plus vils qu'ils s'ignorent tels qu'ils sont en vérité. Je veux parler des bouchers-charcutiers : artisans hautement méprisables, quoique rarement dénigrés par la société complice.
Laissez-moi rétablir la vérité ici, au nom de la civilisation trop vite oubliée, au nom de vos viscères indolents qui digèrent avec bonne conscience le fruit des oeuvres les plus ignobles de l'humanité. La boucherie est, entre toutes les professions, la plus méprisable qui soit. Contrairement aux idées imbécilement toutes faites, il y a dans ce monde non seulement des sots métiers, mais encore des corporations infamantes, barbares, criminelles. La boucherie fait indéniablement partie de ces corps de métiers indignes des sensibilités civilisées, des esprits éclairés, des consciences évoluées.
Allez donc visiter les abattoirs, vous les carnassiers primaires au palais si délicat, vous les connaisseurs qui, à travers vos achats honnêtes chez le boucher, faites honneur à la gastronomie française, vous qui vous enorgueillissez de contribuer à développer le petit commerce de proximité et à valoriser l'artisanat de qualité de nos chers petits quartiers si conviviaux...
Allez vous rendre compte sur place de ce que l'homme peut concevoir en ignominie, au nom des plus primaires instincts dictés par son ventre. Dans les abattoirs la mise à mort industrielle et le viol sordide des dépouilles animales sont des activités comme les autres, naturelles, saines, propres, très ancrées dans les moeurs, honorables aux yeux de tous. Et d'ailleurs ces activités bouchères génèrent beaucoup d'emplois, ce qui est le meilleur argument qui soit au monde, puisque très à la mode dans notre société obsédée par l'emploi. Dans les abattoirs on s'occupe de fournir à l'humanité la moins évoluée (la plus grande partie de l'humanité donc) de quoi satisfaire ses habitudes millénaires, et par la même occasion ses pires illusions nutritionnelles.
Et tout ça sans le moindre respect pour l'animal, évidemment. Mais on ne s'attarde pas à ce genre de délicatesses dans le milieu des « viandars ». L'industrie ne connaît pas d'états d'âmes : la réalité économique avant tout. Il faut dire que la dignité est un luxe lorsque des emplois sont en jeux...
Les animaux ne sont que plus des choses dès qu'ils passent le seuil de l'une de ces « usines à viande » avec leurs hordes de primitifs hilares avides de sculpter la chair morte jetée en pâture à leurs sauvages assauts. Votre boucher est aimable avec son rire bonhomme et son sens commercial, c'est bien connu. Détrompez-vous cependant sur l'état des choses telles que vous les voyez : derrière ces civilités de bon aloi règne la plus parfaite sauvagerie. Le métier de la boucherie est pourtant très formateur pour la jeunesse et on ne s'arrête pas à des considérations aussi puériles face à l'enjeu économique que représente la profession vous diront les anciens... Je veux parler de ces pauvres brutes dégénérées ignares qui en général meurent de la cirrhose du foie ou du cancer des poumons ou plus souvent, juste retour des choses, de maladies du coeur. Charcuterie oblige.

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