dimanche 26 juin 2011

69 - HAUTEURS DE L'ÂME

LES BEAUTÉS PURES
Un cri vers le ciel
Les cloches de la cathédrale sonnèrent dans la clarté du matin, assourdissantes.
Attiré par les clameurs de l'airain, je m'approchai du monument. Concert dantesque qui hurlait au ciel la piété des hommes !
Je demeurai au pied de l'édifice, fasciné, un peu terrifié aussi. La pierre vrombissait, la cathédrale entière formant une caisse de résonance géante. Telle une montagne solennelle aux ailes de titan, à la gueule vulcanale, le vaisseau grondait.

La silhouette gothique qui se détachait dans le ciel éclatait de sainte fureur. Des corbeaux tournoyaient au-dessus de ses multiples sommets. La voix des bourdons montait toujours, emplissant la nue... Bientôt ce fut la tempête. Un orage de sons sourds, denses, graves, qui devint égal, uniforme puis quasi silencieux : je n'entendis plus les cloches mais à la place, un son pur.
Un léger sifflement. Une note légère, fine, aérienne.
Le choeur du métal, par sa beauté simple, saine, brutale, avait déclenché en moi une nouvelle capacité à entendre, l'ouverture d'autres yeux, l'éveil d'une autre conscience. Les cloches agissaient sur moi de la même façon que le bruit sourd d'une trompe met le cristal en vibration. Ou de manière plus imagée, pareil au son rauque du cor qui occasionne un chant de flûte à travers le verre qu'il fait vibrer. J'accédai à une réalité supérieure. Une transfiguration de ma sensibilité ordinaire, de mes capacités de réception matérielle venait de s'opérer : j'entendais l'inaudible.
Le son des cloches était derrière moi, je n'entendais plus que son essence, une musique fluette, comme si je percevais l'âme et non plus le corps des choses.
Bientôt le silence fut total autour de moi, bien que le clocher fût en branle. Juste la voix d'un ange, la corde d'un séraphin, le rire d'un esprit au-dessus de moi...
Emporté par le vent de la Beauté, j'étais parvenu jusqu'à la source du Mystère. Un bref, très bref instant. L'illumination fut furtive : en baissant les yeux vers le parvis, tout redevint fracassant.
Je restai un moment, troublé, décontenancé avant de m'éloigner, le pas chancelant. Les cloches derrière moi sonnaient toujours à la volée. Puis s'éteignirent progressivement. C'est là que j'entendis à nouveau la Voix Suprême qui m'avait emmené si haut un instant plus tôt, mais sous une forme inattendue cette fois : la tourmente du "carillon" passée, les corbeaux prenant le relais se mirent à croasser longtemps, longtemps dans l'azur...

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